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Publié le 20/03/2025 5 minutes de lecture
Nombre de visiteurs se focalisent sur les deux vibrantes icônes urbaines du Japon : Tokyo et Kyoto. Mais en dehors des villes, le pays propose un autre voyage, révélant toute la délicatesse de son approche de la nature. Démonstration au nord de Tokyo, dans les préfectures de Tochigi et de Yamagata, entre bains bouillonnants, érables rouges et temples shinto.
Le rituel du onsen n'est pas à prendre à la légère. Il faut se présenter au bain en yukata – une sorte de kimono léger –, se laver assis sur un petit tabouret de bois, entrer dans l'eau entièrement nu. On peut alors profiter de la sensation de l'eau chaude sur la peau, son odeur légèrement soufrée, la touche de mystère qu'apporte le léger nuage de vapeur qui monte dans l'air frais au-dessus du bain. Et bien sûr la beauté du paysage alentour, ses arbres, ses blocs de roche, les feuilles d'automne. Nombre de onsen japonais traditionnels – ces bains d'eau chaude naturelle qui atteignent parfois plus de 40°C – sont en pleine nature. C'est l'un des plaisirs d'une découverte du pays en dehors des grandes villes. Sans nécessairement aller loin : à guère plus d'une heure de Shinkasen au nord de Tokyo, le plateau de Nasu est réputé pour ses bains chauds naturels. Un sanctuaire shinto leur est même consacré dans cette région de Tochigi, au bord des contreforts des Alpes japonaises, où l'un des plus vieux onsen publics, Shika no yu, date de l'an 630.

Loin des mangas et des néons
Méconnue des visiteurs étrangers, la région est de plus en plus fréquentée par les tokyoïtes, qui apprécient son relief, son calme et sa fraîcheur estivale, quand la capitale est étouffante. Loin des néons des quartiers branchés de Tokyo, à l'opposé du surtourisme de Kyoto, elle ouvre une fenêtre sur une facette plus traditionnelle du Japon. On y découvre des pépites, comme le temple zen d'Ungan-Ji, et c'est ici que le grand Matsuo Bashō, maître du haïku, débuta au printemps 1689 le voyage qui donna naissance à l'un de ses récits les plus célèbres, Le Chemin étroit vers les contrées du nord.
Dans les pas de Bashō à Tochigi
Sur sa route, le poète raconte qu'il passa une journée à observer les villageois planter du riz face à un saule "au bord du chemin où coule une eau limpide". "Une rizière entière aurait pu être repiquée avant que je m'en arrache", écrit-il. Tetsuya Yamamoto, créateur de l'agence de découverte touristique en vélo Ride Experience, nous emmène sur ses traces, près d'Ashino. "La région se prête bien à l'observation de la nature en prenant son temps, dit-il. De plus en plus de gens sont intéressés par le cyclotourisme, et nous nous attachons à les guider, pas seulement à louer des vélos". En quelques dizaines de minutes, nous voilà au bord du saule devenu célèbre, qui semble étonnamment inchangé depuis des siècles. Il se dresse "sur une petite digue entre deux rizières", comme l'écrivait Bashō. Une boite permet même de laisser son propre haïku, et précise que les douze meilleurs sont publiés chaque année.

Momijigari et komorebi
Apprécier de petites choses en prenant son temps. C'est l'une de ces activités que la campagne japonaise réussit à ériger en art véritable. Ici, il y a un terme – komorebi – pour décrire la lumière du soleil diffusée à travers les feuilles des arbres. Et un autre pour désigner l'observation des feuillages d'automne : momijigari. Avec ses forêts d'érables, la région de Tochigi s'y prête à merveille. Quand arrive l'automne, la forêt de Nasu Heisei-no-Mori est un embrasement de feuillages rouges. Appréciée des amateurs de randonnée, fréquentée par des ours qui obligent les guides à porter des clochettes à la ceinture pour prévenir les plantigrades de la présence d'humains, elle fut longtemps intégrée à un domaine impérial, avant d'être ouverte au public, en 2011. C'est l'une des fiertés de la région : la famille impériale y dispose d'une villa, à Nasu, où elle aime venir se ressourcer dans la nature. Plus à l'ouest, vers Nikko et ses glorieux temples de la période d’Edo classés sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, qui s'élèvent parmi les cèdres immenses, la Nichien Momiji Line pousse un cran plus loin le plaisir de l'observation des feuillages d'automne : virage après virage de cette route secondaire, les frondaisons arborent les plus éclatantes teintes de rouges, de jaunes, d'orange, de verts…

Vénérer les forêts et les montagnes
Les Japonais entretiennent un rapport étroit avec la nature. L'essence même du shintoïsme est tournée vers la vénération de ses forêts, ses sources, ses montagnes. Le shugendo en offre l'une des illustrations la plus extrême. Cette pratique spirituelle apparue au VIIIe siècle, qui séduisit des membres du bouddhisme ésotérique et compte encore des pratiquants, voit ses adeptes se confronter à la nature de la façon la plus dure, se suspendant aux falaises, méditant sous les cascades, pratiquant l'ascèse. Les montagnes ont souvent été leur terrain de jeu, sur le plateau de Nasu et dans le parc de Nikko, mais surtout plus au nord, dans les reliefs de la préfecture de Yamagata.

Les douceurs de Yamagata
Dans les premières heures du matin, on peut rendre hommage à la nature en allant admirer la mer de nuages qui s'étire en masses cotonneuses au-dessus de la ville de Nanyo, l'un des centres importants de cette région. On ira ensuite découvrir le sanctuaire Kumano Taisha, l'un des plus beaux des environs, avec sa toiture en chaume ondulante, ses poutres sculptées et ses lampions en papier de riz. C'est alors le temps de passer à table. Car la région de Yamagata, célébrée pour ses cerises dans tout le pays, est aussi productrice de légumes et de nombreux fruits – dont une poire baptisée "La France" – et d'une variété de bœuf reconnue comme l'une des meilleurs du Japon, le Yonezawa. Au pays du saké, c'est aussi l'un des terroirs nationaux qui s'illustre dans la production viticole, notamment avec les vins de la Takahata Winery, dont certains ont été primés à l'étranger. À Nanyo, les bonnes adresses ne manquent pas pour célébrer ces bienfaits de la nature, du très gastronomique restaurant de l'hôtel Takinami au locavore et bistronomique Said'Or – littéralement "les légumes d'or". Au menu ce déjeuner : chou violet mariné, radis et figues assaisonnées au yuzu, racine de lotus et champignons sautés, pétoncles poêlés et pommes caramélisées. Itadakimasu !

Quelques infos pratiques
Les outils de traduction sur smartphones d'après les caractères japonais facilitent nettement le voyage pour les étrangers, et le cours du yen est plutôt favorable actuellement par rapport à l'euro.
Nasu est à environ 1 heure 10 de Tokyo en train à grande vitesse Shinkansen, et la gare d'Akayu (Nanyo) à 2 heures.
Pour séjourner dans la région de Nasu (préfecture de Tochigi), l'hôtel de charme Itamuro Onsen Daikokuya offre à la fois les atouts d'un ryokan traditionnel, avec deux beaux onsen, et une touche arty et contemporaine (à partir de 150 € par personne avec dîner gastronomique, petit déjeuner et onsen).
Lors de votre passage à Tokyo, l'Hôtel Tobu Levant (à partir de 100 € environ) offre un point de vue unique sur l'impressionnante Tokyo SkyTree, haute de 634 m.