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Publié le 22/08/2018 5 minutes de lecture
Tinos, troisième plus grande île des Cyclades, est principalement connue comme haut lieu de pèlerinage du culte marial. Chora, sa capitale, renferme en effet sur ses hauteurs une icône de la Vierge à l'Enfant réputée miraculeuse. Si les fidèles y débarquent en nombre, notamment autour du 15 août, peu d'entre eux s'aventurent cependant au-delà des limites de son port. Pourtant, la Lourdes orthodoxe est aussi une Mère nourricière aux traditions gastronomiques bien vivantes, excellente porte d'entrée à la diversité culinaire des Cyclades. S'enfoncer dans ses terres à la recherche de plaisirs gustatifs, c'est prendre le risque de découvrir une beauté brute, authentique et mouvante, et de tomber sous le charme.
Goûter le dynamisme culinaire de l'île
Ateliers de cuisine, battle de grands chefs, dégustations, visites de producteurs, randonnées gourmandes... Tous les ans, début mai, les Tiniotes célèbrent le patrimoine gastronomique et culturel de leur île au cours de « Tinos Food Path ». Huit jours de festivités qui attirent, depuis son lancement en 2015, les grands noms de la scène culinaire grecque. Celle qui, jusqu'au milieu du XXe siècle, se targuait d'être le potager d'Athènes, renoue ainsi avec son ancienne renommée. Car «Tinos Food Path » est aussi une association de restaurateurs et de producteurs qui travaillent toute l'année de concert à la haute qualité des produits. Une initiative qui s'attèle à conserver et à transmettre les traditions gastronomiques locales, tout en les bousculant de contemporanéité. Une impulsion qui se goûte à foison la première semaine de mai, et à loisir les mois restants, dans la pléiade de restaurants gourmets.
Faire ses emplettes en saluant la Vierge
Elle toise les ferrys qui accostent à Tinos, Panagia Evangelistria, l'église dédiée à la Vierge, objet de la notoriété de l'île. Pour cause, elle renferme l'icône miraculeuse, peinte par Saint Luc, douée de pouvoirs curatifs. Dans l'avenue pentue qui l'y mène, entre les échoppes d'icônes et de cierges, se trouve la boutique de la coopérative agricole de Tinos. On s'y approvisionne en balaki, fromage de vache local, en pâtes fraîches artisanales, en artichauts au vinaigre, en confitures de tomate, pastèque, orange, citron ou figues, en origan, en nougat... Après un salut à Marie, pour la remercier de tant de prodigalité, on rejoint le port où se tient tous les jours un micro marché de producteurs. Quelques étals seulement où s'exhibent tomates et pastèques aguicheuses, colliers d'ail et de tomates séchées, câpres en bocaux et autres délices gorgés de soleil. Un peu plus loin, au bout du vieux port, on pousse enfin la porte de Kritikos, où Yannis confectionne les salaisons tiniotes traditionnelles. Louza, loukaniko et skordato - filet de porc fumé, saucisse et saucisson aux herbes, vin rouge et fenouil - que l'on prend le temps de déguster, entre deux gorgées de raki maison.

Découvrir les petits villages par les tavernes
Passé Chora, Tinos se découvre en paysages tortueux, à la beauté âpre et sauvage. Au creux de ses montagnes, sur les versants escarpés de ses côtes, se nichent une kyrielle de villages - près d'une cinquantaine -, promesses, rarement trahies, de trésors architecturaux et de charme. À défaut de pouvoir tous les visiter, s'initier à la cuisine tiniote traditionnelle permet, l'air de rien, de découvrir ceux que les circuits touristiques mentionnent le moins. On dévale ainsi les jolies ruelles de Ktikados pour s'attabler sous la pergola de vignes et de bougainvilliers de Drosia, taverne séculaire et familiale, avec vue plongeante sur l'Égée. Artichauts marinés, louza, balaka... aiguisent l'appétit, comblé dans la foulée par la généreuse froutalia, omelette aux pommes de terre rissolées, fromage et loukaniko. De même, on s'aventure plus à l'Est, au cœur de l'adorable village de Mirsini, pour savourer, à l'instar des locaux, sur une placette fleurie, les délicieuses recettes de Teresa, mitonnées chaque jour au gré des récoltes du jardin.

Rejoindre les plus beaux villages pour le dessert
Parmi sa myriade de villages, Tinos s'enorgueillit de quelques joyaux, dont Pirgos, tout au Nord, hautement réputé pour son marbre. Le dédale de ses venelles dévoile en effet une enfilade de maisons blanchies à la chaux, rehaussée de bleu et de bougainvilliers, ponctuée d'églises, d'arcades et de fontaines, où s'admirent de superbes linteaux de marbre sculpté. Étourdi par tant de raffinement, il est ensuite coutume de s'installer sous le platane de sa place centrale, pour un galaktoboureko, feuilleté à la crème saupoudré de cannelle.


S'enivrer de paysages lunaires
Tinos surprend par la variété de ses paysages. En s'enfonçant vers l'Est et le village de Volax, la route serpente entre des montagnes d'herbe rase constellées d'un chaos de granit entre lesquels crapahutent quelques chèvres. À Gardari, les vignes de Volacus Wine épousent ce décor minéral qui ondoie jusque la mer. Mikalis Kontizas y produit un vin naturel, sec, léger et fleuri, qui se déguste dans l'enceinte d'une ancienne bergerie, plantée au milieu de ce spectacle lunaire. Non loin de là, Jérôme Binda égrène les parcelles de son domaine de Kalathas, redonnant vie aux cépages autochtones délaissés. Ici encore, le vin est vivant et naturel, et exhale, cette fois, des arômes un peu plus corsés.

Se flatter l'œil et le palais, les pieds dans l'eau
À Tinos, la mer, frissonnante sous les caresses vigoureuses du Meltem, sait se faire désirer. Son bleu dur, moucheté d'un camaïeu turquoise, se rejoint souvent au prix de routes sinueuses. Un jeu de patience en zigzague, toutefois toujours récompensé : au bout de ces lacets carrossables, des plages préservées et paisibles, loin de toute turbulence balnéaire.Au Nord de l'île, la baie d'Isternia n'échappe pas à la règle : une large piste d'asphalte dégringole depuis le village éponyme jusqu'au rivage. Motivant la descente, ses eaux translucides et la taverne To Thalassaki, réputée pour être l'une des meilleures des Cyclades. Antonia y compose une cuisine créative aussi séduisante à l'œil qu'au palais. On s'y délecte des meilleurs produits du terroir - terre, mer et vignes - les pieds dans l'eau, parfois littéralement, lorsqu'il prend soudain l'envie au ressac d'enjamber la terrasse.

Faire la cueillette au saut du lit
Se réveiller au chant des oiseaux, presque seul au monde, sur une colline face à la mer ou au cœur d'une vallée verdoyante. Sortir cueillir directement sur l'arbre mûres sauvages, figues ou prunes, pour le petit-déjeuner. S'attarder dans le jardin, et ramasser pour plus tard quelques aromates, tomates, courgettes... Rentrer se préparer un festin matinal - pain et œufs frais, beurre fermier, confiture maison, miel de producteur... - et le savourer à l'ombre, sur la terrasse... Un scénario possible, à divers endroits de l'île. Parmi nos préférés : Tinos Eco Lodge, sur la côte est, près du village de Steni. Là, deux bâtis traditionnels en pierres, façonnés au goût du jour dans une démarche écologique exigeante, se dressent sur un coteau surplombant l'Égée. Dans la même veine, Under the Linden tree, au pied du village de Loutra, à l'intérieur des terres. Ici, les jardins fertiles de l'ancien couvent des Ursulines, gorge féconde plantée d'herbes médicinales, d'oliviers, d'orangers... où descendaient autrefois s'amuser les jeunes filles, dissimulent deux gîtes frais et douillets, petites bâtisses historiques, désormais reconverties.

Danser la bouche pleine
Sur l'île, la saison estivale est scandée par les festivals de spécialités locales : artichaut, origan, câpres, ail, miel ou encore raki sont ainsi célébrés jusqu'au début de l'automne. L'occasion pour chaque village de se mettre à l'honneur, et de rassembler Tiniotes et visiteurs de passage, afin d'échanger et, surtout, de faire la fête... Le soir venu, violon et bouzouki mettent en joie le plantureux banquet et font danser toutes les générations jusque tard dans la nuit.

Carnet pratique
Arriver à Tinos est d'une facilité déconcertante ! Depuis Athènes, via le port de Rafina, voisin de l'aéroport - comptez entre 2 heures 30 et 4 heures de bateau. Ou, pour les personnes sujettes au mal de mer, via Mikonos, avec une traversée d'à peine 20 ou 30 minutes : les deux îles sont voisines ! La compagnie grecque Aegean desservant, depuis Paris et certaines villes de province, les deux aéroports.