-
Publié le 21/09/2017 5 minutes de lecture
Andros, la plus septentrionale des Cyclades, deuxième, après Naxos, par sa superficie, est une pépite jalousement gardée. Île de villégiature de familles d'armateurs grecques, qui s'y impatronisèrent au milieu du XVIIIe siècle, elle s'est vue épargnée du déferlement touristique qui toucha certaines de ses petites sœurs égéennes. Tant mieux. Car en plus d'une authenticité préservée, elle arbore, fruit d'une hydrographie abondante et d'un relief accidenté, une nature généreuse, à l'extrême biodiversité.
Lacer ses chaussures de randonnée
Deuxième plus grande île des Cyclades après Naxos, avec ses 374 km2, Andros jouit d'une topographie unique, et d'un réseau hydrique prolifique : ses 4 montagnes s'étirent du Nord au Sud, et voient, au fil de leurs ondoiements, serpenter torrents, petites rivières, gorges et vallées verdoyantes. Pour saisir la palette de ses paysages, il faut s'aventurer sur ses sentiers balisés - une vingtaine au total, réhabilités par l'association Andros Route, qui sillonnent les anciens chemins ruraux de l'île sur plus d'une centaine de kilomètres. Pour toucher du doigt sa culture, son histoire, sa botanique - son petit supplément d'âme -, c'est accompagné d'Ariana, de Trekking Andros, qu'il faut cheminer.

Prendre un shoot de chlorophylle
On tourne à peine le dos au rivage, au bleu miroitant de l'Égée, que l'on plonge aussitôt dans une autre mer, enveloppante, peuplée d'aulnes glutineux, de chênes ou de châtaigniers. En plein cœur de l'île, le plissement montagneux du Mont Petalo, dont le pic Kouvara culmine à 997 mètres, offre, à la ronde, une nature luxuriante qui sert de nid végétal à de charmants villages perchés. Au milieu de ce vert qui se déploie en cascade, le souvenir des Cyclades ressurgit furtivement, par tâches de maisons immaculées. Après avoir tiré la langue à quelques chèvres, et peut-être, avec un peu de chance, fait halte chez un villageois pour une tranche de pain à l'anis tartiné de fromage frais, on met volontiers les mains en creux, prêtes à recevoir l'obole, l'eau des sources qui jaillissent ici à foison, le trésor liquide d'Andros. Un peu plus bas, au joli village de Menites, certaines d'entre elles se rejoignent, et dansent même à l'enfilade, dans la célèbre Fontaine aux lions. L'on raconte que ces fauves, parés d'une collerette de cheveux de Vénus - la fougère capillaire -, crachaient de l'or pourpre, pendant les Bacchanales.

S'éprendre de botanique et d'archéologie
Fin de l'hégémonie du vert. En redescendant vers la côte, l'Égée étale son azur sous l'horizon et la garrigue son moucheté jaune et brun sur la vallée. Plus aride, le versant méridional de l'île s'étage en maquis coloré, strié de Kserolithies, les murets traditionnels, savant assemblage de pierres horizontales et verticales. Romarin, arbousiers, asphodèles, orchidées sauvages, genêts... Et les ombelles altières de la férule commune, qui recèle, dans sa tige, le feu sacré volé aux Dieux de l'Olympe par Prométhée.

Le long de la mer s'égrènent plusieurs sites archéologiques d'importance, attestant de l'activité maritime d'Andros dès l'ère géométrique : Zagora et Ypsili, cités fondées entre le Xe et le IXe siècle avant J.-C., dédiées pour l'une à Athéna, et pour l'autre à Déméter. Entre elles deux, les vestiges à demi immergés de Paléopolis, capitale politique et culturelle entre le VIe siècle avant J.-C. et le début de l'époque byzantine. Pour les appréhender tout à fait, il faut gagner la côte orientale, quitter les chemins de terre, et battre jusqu'au musée archéologique les jolis pavés de Chora, actuelle capitale de l'île. Enserrée par deux grandes ondulations montagneuses, elle avance directement dans la mer ses belles demeures néo-classiques, en un lacis pastel teinté d'influences vénitiennes.

Casser la croûte avec les moines
En s'enfonçant à nouveau dans les terres, le paysage reverdit par touches : vignes, figuiers, citronniers, oliviers... Et de-ci de-là, des sentinelles de cyprès donnant parfois au décor de surprenants airs de Toscane. Au terme de cette ascension, adossée à la montagne de Katafygio, l'enceinte dentelée du monastère de Panachrantos. En 961, après avoir libéré la Crète de la domination arabe, et ainsi une partie de la Méditerranée de la piraterie, le général Nicéphore Phocas, futur empereur de Constantinople, rend grâce à l'icône de la Vierge Marie qui lui aurait inspiré sa victoire, apparue ici quelques années plus tôt, et aide à l'édification du monastère. Mêlant style byzantin et vénitien, il abrite l'icône miraculeuse peinte par Saint Luc, les reliques de Saint Pantéleimon - dont il porte également le nom - et une toute petite confrérie particulièrement hospitalière. Le Père Evdokimos, doyen des trois moines, invite volontiers à sa table le visiteur de passage pour partager nourritures spirituelles... Et terrestres. Ses talents de cuisinier le précèdent sur l'île, en raison notamment de ses spaghettis à la sauce tomate, et, oserait-on ajouter, de ses dolmadakia, feuilles de blettes sauvages farcies d'herbes, d'olives et de riz.

Passer la nuit dans un oasis
Andros, fondateur de l'île et héros d'origine divine - Apollon et Dionysos figurent parmi ses aïeux - était aussi le général de Rhadamanthe, roi de Crète, puis juge des Enfers. Ce sont pourtant des micros édens qui ponctuent, ça et là, le littoral andriote. Les petites rivières qui courent à travers l'île donnent naissance, lorsqu'elles atteignent le rivage, à des mini oasis à l'écosystème unique. Oiseaux, papillons, insectes et amphibiens batifolent à loisir dans ces zones humides, au milieu de joncs ou de roseaux, abritées d'aulnes, de platanes, de saules ou de peupliers blancs. Certaines dissimulent parfois une cascade, voire un lieu où dormir, comme Onar, retraite haut de gamme coupée du monde et éco-engagée. Les plages de sable fin qui les bordent, léchées par une mer cristalline sont, pour certaines, classées Natura 2 000, ou estampillées « Blue Flag », gage de la qualité environnementale de leurs eaux, comme celles du joli hôtel Aneroussa à Batsi.

Pratiquer le Bird Watching
Si ce n'était assez, Andros est également le lieu de reproduction privilégié d'une avifaune protégée. Les îlets qui essaiment sa côte rocheuse accueillent par vagues, au printemps, Cormorans de Méditerranée et Goélands d'Audouin, puis, au milieu de l'été, les véloces Faucons d'Éléonore - qui peuvent pointer jusqu'à 200 km/h - en provenance de Madagascar. En 2011, la municipalité a, en leur faveur, initié LIFE, un programme de protection, de conservation et de sensibilisation. Leurs danses aériennes s'observent au large de l'îlet de Théotokos, qui regroupe l'une des plus grandes concentrations de nids au monde, non loin de la sublime plage d'Achla.

Faire bonne chère en locavore
Avec une terre aussi fertile, et la mer pendue à ses trousses, Andros n'a pas attendu que le locavorisme se conceptualise pour l'ériger en mode de vie. Deux adresses permettent cependant d'aller jusqu'au bout de l'idée. Dans le petit village d'Ano Pitrofos, l'intimiste Tou Josef. Au cœur de l'ancien café épicerie de son grand-père, où s'alanguit une tripotée de chats, Katerina revisite, à son rythme et selon l'humeur du marché, les classiques de l'île, dont la fameuse omelette garnie, la froutalia. Toute une expérience. Plus à l'Ouest, sur les hauteurs de Gavrio, où 1 000 hectares de prairies dessinent leur orbe devant la mer, la taverne familiale O Kossis donne à la viande ovine - élevée sur place en semi-liberté - ses lettres de noblesse. Les légumes sont du jardin, les fromages maison. Et la salle, comble d'habitués.
Se griser d'énergies locales, et en ramener dans ses valises...
Fiers de leurs traditions, les Andriotes le sont aussi des richesses naturelles de leur île et s'appliquent, avec une conviction joyeuse, à les valoriser. Regroupement en coopératives - comme celle des femmes de Batsi, qui mitonnent des douceurs typiques tels les siko, confitures de figues noires aux amandes, ou les kaltsounia, petits gâteaux aux amandes et à l'eau de rose - ; initiatives bio, comme l'origan d'Amoenitas ; confection de cosmétiques artisanaux - comme les savons naturels ∏ de Zefi... Sur le joli port de Batsi ou dans l'historique rue piétonne de Chora, les échoppes à souvenirs, qu'une seule main suffit à dénombrer, dédient leurs étals à ces trésors : pâtisseries, confitures, baumes naturels, plantes médicinales, aromates, gros sel, épices...Dans le village d'Ano Pitrofos, Dimitris a quant à lui mis à contribution ses talents d'ingénieur civil pour restaurer l'un des anciens pressoirs à huile d'olive de l'île. Dans la belle bâtisse de pierre traditionnelle, il narre aux visiteurs, avec une pointe d'espièglerie, le processus de production de « l'or liquide » d'Homère tel qu'il se pratiquait autrefois. Et offre à la dégustation quelques fruits de son cru.

Cerise sur le gâteau ?
Ce parangon d'écotourisme se rejoint en deux petites heures de ferry depuis Rafina - le port qui jouxte l'aéroport d'Athènes -, autant dire, en un simple entrechat.