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Publié le 07/11/2013 6 minutes de lecture
Tout en ressucitant des légendes anciennes ou en faisant parler les animaux, les dessins animés n'en plantent pas moins leur décor dans de nombreux pays.
1. Kirikou et la sorcière (Afrique occidentale)
Michel Ocelot, 1998, France/Belgique/Luxembourg
L'Afrique, ce sont encore les Africains qui en parlent le mieux. Et le minuscule Kirikou, avant même de sortir du ventre de sa mère, parle déjà. À la tête d'une coproduction internationale, le français Michel Ocelot, qui a grandi en Guinée, fit appel à des comédiens sénégalais pour doubler les personnages de son Kirikou, et à Youssou N'Dour pour en composer la musique, lequel recourut à plusieurs instruments originaires d'Afrique occidentale (sanza, balafon, kora) et écrivit la chanson finale en wolof, langue vernaculaire du Sénégal, de la Gambie et de la Mauritanie. C'est ce qui donne à l'histoire de Kirikou, adaptée de plusieurs contes traditionnels d'Afrique de l'Ouest, neutralisant tout recours au manichéisme et se refusant à cacher ce sein naturellement découvert que la censure n'eût su voir, son timbre si particulier.
Le village de Kirikou est celui, typiquement, que l'on rencontre en Afrique de l'Ouest, dans le bassin du fleuve Niger, avec ses cases rondes couvertes de chaume. Le décor qui l'environne, en revanche, est davantage inspiré de la série picturale des «jungles» du Douanier Rousseau, permettant une intéressante combinaison de simplicité figurative et de luxuriance.

2. Le Roi Lion (Afrique équatoriale et orientale)
Studios Disney, 1994, États-Unis
Magnifiant l'Afrique éternelle à coups de crépuscules rougeoyants et en mobilisant toute la faune à cornes, à trompe ou à rayures du continent, Le Roi Lion est cependant d'inspiration internationale. Les studios américains Walt Disney «empruntèrent» au manga Le Roi Leo, du Japonais Osamu Tezuka, l'histoire de ce lionceau victime d'un coup d'État des savanes et luttant pour reconquérir son trône, et le film doit en grande partie sa réussite aux chansons écrites par les Britanniques Elton John et Tim Rice, ainsi qu'à la musique de l'Allemand Hans Zimmer, lequel remporta à cette occasion un oscar. Pas étonnant, dès lors, que le succès fut tout aussi international.
Le réalisme et la beauté des paysages africains dessinés dans Le Roi Lion doivent probablement autant au talent des animateurs, qu'au voyage qu'ils ont effectué en Afrique de l'Est pour trouver l'inspiration. De ce voyage, au Kenya plus précisément, l'équipe a rapporté autre chose: des mots de langue swahili – que l'on parle également en Tanzanie, en Ouganda, au Rwanda, au Congo et au Burundi – dont beaucoup ont baptisé les personnages du film (Simba signifie «lion», Nala, «chance», ou Rafiki, «ami»), et deux en particulier donné la phrase la plus célèbre: «Hakuna Matata.»

3. Chico et Rita (Cuba et New York)
Fernando Trueba et Javier Mariscal, 2010, Espagne
Le dessin animé permet des miracles avec lesquels le cinéma traditionnel peut difficilement rivaliser. Par exemple: réunir à l'écran Ben Webster, Charlie Parker, Thelonious Monk et Dizzie Gillespie. Une dream team pour un film dévolu au jazz des années 1940–1950, de Cuba à New York, en passant par Hollywood et Paris, en suivant les amours contrariés de la chanteuse Rita et du pianiste Chico. Autre star musicale du film: Bebo Valdès, qui en composa la BO. Figure incontournable de la scène musicale havanaise jusqu'à l'accession au pouvoir de Fidel Castro, Valdès sombra dans l'oubli à Stockholm, avant que Fernando Trueba ne le replace sous les projecteurs à l'occasion de son film Calle 54. Bebo Valdès est décédé en mars 2013, quelques mois après la sortie de Chico et Rita.Pour restituer l'ambiance de La Havane de la fin des années 1940, le cinéaste Fernando Trueba et le dessinateur Javier Mariscal ont non seulement arpenté la ville, mais aussi pu accéder aux photographies de chaque rue que la municipalité conserve depuis 1949.Les lieux les plus marquants du filmsont évidemment ceux où les musiciens se produisent: le Tropicana Club (dont Bebo Valdès fut le directeur, dix ans durant), dans le quartier de Marianao, mais aussi le cabaret de l'Hotel Plaza, à New York.
4. Les Mystérieuses Cités d'or (Amérique du sud et amérique centrale)
Co production télévisuelle franco-japonaise, 1983
C'est toute une génération d'enfants qui a rêvé d'horizons lointains en suivant les aventures d'Esteban, Zia et Tao à la recherche des Mystérieuses Cités d'or. Trente-neuf épisodes comme autant de marches d'une pyramide menant au secret de Mû, la civilisation disparue. À bord d'un immense condor en or massif, les trois enfants découvriront toutes les grandes civilisations précolombiennes, du Tihunanacu pré-inca des Andes boliviennes aux cités mayas du Mexique, au moment où l'Europe, personnifiée par Pizarro, commence à prendre possession du continent, au XVIe siècle.Pas besoin de croire à la légende d'El Dorado et des sept cités de Cibola pourpartir sur les traces d'Esteban, Zia et Tao. Parmi les ruines précolombiennes qu'ils visitent, la plus spectaculaire reste le Machu Picchu, cité inca perchée à 2 500 mètres d'altitude dans les Andes péruviennes. Les plus aventureux peuvent la rejoindre après plusieurs jours de marche sur le chemin de l'Inca.
5. Le Livre de la jungle (Inde)
Studios Disney, 1967, États-Unis
Les studios Disney ont transformé l'inquiétante et cruelle jungle de Rudyard Kipling en dancing jazzy. Ce n'est donc pas du côté du respect de l'œuvre originale qu'il faut aller chercher la qualité du dessin animé, mais plutôt de celui de la bande sonore, exceptionnelle à double titre. Les chansons composées pour ce film sont devenus des classiques de la chanson enfantine, parmi lesquelles on compte «Il en faut peu pour être heureux»; mais surtout le studio innova en confiant les voix des personnages à des acteurs réputés pour créer une véritable osmose à l'écran entre l'ours Baloo, la panthère Bagheera ou le roi Louie, et les comédiens chargés de leur donner vie.Rudyard Kipling avait un paysage bien précis en tête, lorsqu'il créa le personnage de Mowgli: l'Inde, pays où il vécut douze années, et plus particulièrement la jungle du Madhya Pradesh, située au cœur du pays. On y parle l'hindi et c'est dans cette langue que Kipling baptisa Baloo («ours»), Bagheera («panthère») et Hathi («éléphant»). La jungle de Mowgli existe toujours: le jeune garçon grandit dans la forêt de Pench, aujourd'hui sanctuarisée en un parc national du même nom… également appelé «Mowgli Land».

6. Mulan (Chine)
Tony Bancroft et Barry Cook, 1998, États-Unis
Une légende tenace veut que la muraille de Chine soit le seul monument construit de la main de l'Homme visible depuis l'espace. Il est encore difficile d'aller vérifier par soi-même, mais il est moins dispendieux d'aller sur place pour se rendre compte qu'effectivement, la Grande Muraille en impose. Sa construction, entamée au troisième siècle avant J. C., s'étala sur deux millénaires, et 6 700 km. Il fallait un esprit démesuré pour concevoir un tel projet: c'était le cas de l'empereur Qin Shi Huangdi, dont les autres actions de grande ampleur furent notamment de brûler tous les livres publiés avant son règne, et de se faire enterrer avec une armée de soldats en terre cuite, découverte 2 300 ans plus tard à Xi'an.Fini, les princesses coquettes et transies d'amour, attendant le baiser du prince charmant comme on attend le messie. Mulan se coupe les cheveux, endosse l'armure de son père pour lui éviter de partir à la guerre, et part combattre les barbares qui déferlent sur l'empire du Milieu. Symbole s'il en est chez Disney. Avec Mulan, le studio entra dans la modernité, au moyen de ce canevas féministe inspiré d'une légende chinoise remontant au VIe siècle. Décors inspirés par l'aquarelle chinoise, musique symphonique, épique et romantique, plus adulte qu'à l'ordinaire, composée par Jerry Goldsmith: le studio dépassa ses propres frontières en franchissant la muraille de Chine.
7. Madagascar
Eric Darnell et Tom McGrath, 2005, États-Unis
Lorsque l'on regarde l'affiche du film (ou de l'une de ses suites), on peut s'étonner de voir un lion, un zèbre, une girafe, un hippopotame et des manchots au-dessus du titre Madagascar, puisqu'il n'y a ni lion, ni zèbre, ni girafe, ni hippopotame à Madagascar, et encore moins de manchots. C'est qu'ils sont arrivés là par bateau, après s'être évadés du zoo de Central Park. Il suffisait d'y penser. Pour l'anecdote, il n'y a ni lion, ni zèbre, ni girafe, ni hippopotame au zoo de Central Park. En revanche il y a des manchots.
Comme les créateurs de Kirikou et la sorcière, les animateurs de Madagascar se sont inspirés des toiles de la série «jungle» du Douanier Rousseau pour mettre au point les visuels de la forêt insulaire. Madagascar est riche d'une flore et d'une faune en grande partie endémiques, produits évolutifs de plusieurs millions d'année d'isolement dans l'océan Indien. On compte parmi eux les lémuriens et les fossas, espèces respectivement végétarienne et carnivore, comme le film les présente. On continue, chaque année, de découvrir de nouvelles espèces à Madagascar, dont récemment le plus petit primate au monde, répondant au charmant nom de microcèbe de Mme Berthe. Actuellement, 3,5 millions d'hectares sont protégés à Madagascar, au titre de la préservation de cette exceptionnelle biodiversité.