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Publié le 14/01/2020 5 minutes de lecture
Alors que la 6e saison de Peaky Blinders est désormais disponible en France (Netflix), les touristes continuent d’affluer à Birmingham, dans le centre de l'Angleterre, pour en apprendre davantage sur le gang de malfaiteurs qui a inspiré la célèbre série. L’écrivaine Amy Poulton s’est donc rendue dans la ville aux milles métiers pour découvrir ce qu’elle avait à proposer aux fans de Cillian Murphy et de ses acolytes. Mon grand-père évoque souvent les fêtes de Noël de son enfance qui duraient tard jusque dans la nuit, puis le retour à pied chez lui dans le noir et le froid, accompagné de ses parents. Son père le portait sur ses épaules sur la majeure partie du trajet, et, lorsqu’en plein cœur de ces sombres nuits de décembre, ils arrivaient dans la Summer Lane, cette rue où les policiers faisaient toujours la ronde par deux, mon arrière-grand-père prenait bien soin de rester attentif aux ombres, au cas où il tomberait nez à nez avec des membres du gang des Peaky Blinders, ces fameux criminels qui cachaient des lames de rasoir dans leur casquette. Il y a fort à parier que Steven Knight, originaire d’un quartier du sud-est de Birmingham, ait grandi avec les mêmes histoires et qu’il s’en soit justement inspiré plus tard pour développer l’intrigue de sa série télévisée culte. Diffusée à l’origine sur la BBC et plusieurs fois récompensée, la série britannique Peaky Blinders est aujourd’hui disponible dans le monde entier grâce à Netflix et compte de nombreux fans tombés sous le charme des membres de la famille Shelby, malfaiteurs à la fois craints et admirés, qui, aspirant à devenir des hommes et femmes d’affaires établis, n’hésitent pas à recourir à la violence et à la ruse pour y parvenir.La série a également eu pour effet de braquer les projecteurs sur Birmingham, jusqu’alors bien moins visitée au Royaume-Uni que les très touristiques Londres, Édimbourg et York. Aujourd’hui, les rondes de Cillian Murphy et de ses comparses filmées au ralenti dans les rues fumantes et le long des canaux sombres de cette ville située en plein cœur de l’Angleterre attirent les touristes curieux de découvrir l’histoire du véritable groupe de criminels à l’origine de la série culte.

Circuits Peaky Blinders
«Les Peaky Tours ont toujours rencontré un franc succès», explique l’historien Carl Chinn à la tête de ces circuits, «mais depuis deux ans, les visiteurs viennent de plus en plus loin pour les découvrir. Ainsi, nous accueillons des personnes venues de tout le Royaume-Uni et d’Irlande, ainsi que de France, d’Allemagne, d’Espagne, du Canada, des États-Unis, d’Uruguay, du Mexique… Ce qui est formidable pour nous, mais aussi pour Birmingham».«La visite débute dans une arrière-salle du pub the Old Crown, à quelques pas de Small Heath, où Carl fait passer de vieilles photos tout en contant des histoires sur les vrais Peaky Blinders dans une ambiance chaleureuse et amicale. Puis le circuit se poursuit avec une marche dans le quartier de Digbeth, durant laquelle les visiteurs sont invités à s’abriter de la pluie sous un pont faisant résonner le truculent accent local de Carl. C’est ici que l’une des victimes du vrai gang de malfrats fut attaquée, pour avoir consommé une bière de gingembre et non une boisson alcoolisée au pub du coin!Pendant la balade, Carl explique, au détour d’histoires entre mythe et réalité sur les Peaky Blinders, que le nom du gang est en réalité un terme générique désignant les groupes de hors la loi ayant fait régner la terreur dans les bas-fonds de Birmingham entre la fin du XIXe et le début du XXesiècles, c’est-à-dire avant la Première Guerre mondiale et non pas après, comme le veut la série.Darby Sabini, la famille Changretta, Billy Kimber et Alfie Solomon (plutôt que Solomons) ont bel et bien existé, tout comme ce policier d’Irlande du Nord venu à Birmingham pour débarrasser la ville des Peaky Blinders, chose qu’il parvint à faire au tout début du XXesiècle. On apprend également qu’une sanglante guerre des gangs liée aux courses hippiques a véritablement eu lieu à Birmingham dans les années1920, dans laquelle une certaine famille Sheldon était impliquée et qui, selon toute vraisemblance, a inspiré les personnages fictifs de la famille Shelby.

Le Black Country Living Museum
Si le Black Country (ou «pays noir») – baptisé ainsi en raison de la fumée noire émise par la combustion du charbon – n’englobe pas Birmingham à proprement parler, il propose un véritable voyage dans le temps aux visiteurs venus découvrir les rues et bâtiments anciens de son musée à ciel ouvert, le Black Country Living Museum (BCLM), où ont été tournées de nombreuses scènes mythiques de la série. Steven Knight a même qualifié ce musée comme étant la «maison» des Peaky Blinders. En effet, on y reconnaît instantanément le chantier naval de Charlie Strong avec sa forge à ancres (Anchor Forge) et son embarcadère (Boat dock) où les péniches viennent décharger leurs marchandises illégales. Le laminoir, l’atelier de fabrication des chaînes ainsi que celui du forgeron apparaissent aussi régulièrement dans la série, tout comme le pont de Canal Street, lieu des retrouvailles secrètes d’Ada et Freddie.Loin d’être un musée classique proposant des expositions derrière des vitrines, Le BCLM est un musée vivant où on observe plutôt l’évolution de la société au fil des ans en explorant des bâtiments authentiques, en manipulant des objets et en entrant en interaction avec des comédiens qui portent différentes tenues d’époque. Une fois sur place, profitez-en pour vous régaler d’un traditionnel fish and chips frit dans la graisse de bœuf, et pour savourer une bière pression à l’ancienne ou un délicieux whisky au Bottle & Glass, avant d’aller acheter quelques objets typiques des Peaky à la boutique de souvenirs. Selon la période de l’année, vous pourrez peut-être même assister à l’une des soirées Peaky Blinders organisées par le musée.

Le Peaky Blinder Pub
Le vrai pub Garrison, à Small Heath, qui date de l’époque victorienne et qui a probablement accueilli les véritables Peaky Blinders autrefois, a malheureusement fermé ses portes il y a quelques années. En revanche, le Peaky Blinder Pub, dans le centre de Birmingham, vous plongera dans l’ambiance grâce à sa soirée mensuelle sur le thème de la série, au cours de laquelle les clients viennent habillés en gangsters de l’époque.Lors de cette soirée très animée organisée le week-end, les barmen coiffent la fameuse casquette Gavroche et les clients peuvent profiter d’accessoires divers ayant trait à la série, notamment d’une photo encadrée de Benjamin Zephaniah (l’acteur qui joue le rôle de Jeremiah Jesus dans la série, et poète dans la vraie vie), et, étonnamment, d’un karaoké! Mais si vous préférez l’ambiance authentique d’un ancien pub anglais, optez plutôt pour l’Old Crown.
Autres curiosités liées aux Peaky Blinders
Si Birmingham n’a que tardivement tiré parti de la série culte, la ville a finalement raccroché les wagons de ce phénomène culturel, profitant d’une augmentation de 26% du nombre de ses touristes depuis le début de la série en 2013.La cité des Brummies a d’ailleurs organisé le premier festival officiel autour des Peaky Blinders en septembre 2019. À cette occasion, les passants étaient invités à entrer dans les locaux de BBC Birmingham et Black Country, situés dans le Mailbox, pour y être photographiés déguisés en Peaky Blinder. Par ailleurs, Steven Knight a annoncé en mars son projet d’ouvrir un studio cinéma et TV d’environ 16ha dans les Midlands, ce qui pourrait bien signifier le retour de la série sur ses terres natales.La série culte a su capter non seulement l’imagination de ses spectateurs, mais également la véritable essence de Birmingham: sa fierté sans concession, ses valeurs obstinées axées sur la force et le travail acharné, et–comme en témoigne mon grand-père perché sur les épaules de son père alors qu’ils avancent dans la nuit noire en se racontant des anecdotes sur les Peaky Blinders–son sens aigu de la famille.
Traduit par : Maud Combier Perben