Voyage à Okayama, sur les traces fabuleuses et fruitées de Momotarō
Sur la ligne du shinkansen qui relie Kyoto à Hiroshima, la ville d’Okayama surgit comme un pays de légendes baigné de soleil. La terre est y si fertile qu’elle a donné naissance à l’un des plus célèbres contes du Japon, mettant son héros Momotarō aux prises avec des démons cannibales, et qu’elle continue à porter les fruits les plus juteux et savoureux du Japon. Une visite d’Okayama est un voyage entre mythe et réalité, ponctué d’irrésistibles tentations culinaires.
Aux sources de la légende
La légende de Momotarō est l’une des plus populaires du Japon : né du noyau d’une pêche qui descendait une rivière, l’enfant est adopté par un couple de paysans. Il grand fort et cependant quelque peu paresseux... Son destin change lorsqu’il accepte la mission que lui confie un seigneur : vaincre des démons et leur chef cannibale, doté de trois yeux et de trois orteils, sur l’île d’Onigashima ! Après s’être lié d’amitié avec un chien, un singe et un faisan, Momotarō sort victorieux de son combat et rentre riche chez ses parents adoptifs : riche du trésor des démons, mais aussi riche de ses nouveaux amis, et riche d’avoir prouvé sa valeur.
La rue principale d’Okayama porte le nom de Momotarō et dès votre arrivée à la gare vous serez accueillis par des statues du héros et de ses trois compagnons ; même les plaques d’égout de la ville sont à leur effigie !
C’est que Momotarō est « né » ici à Okayama… du moins, son inspirateur, le prince mythique Kibitsuhiko-no-mikoto, qui aurait défait un seigneur local (ce dernier ayant lui-même inspiré le chef des ogres que combat Momotarō).
Les traces de Momotarō vous mèneront à deux importants sanctuaires shinto consacrés à son modèle légendaire et situés dans la campagne proche de la ville : le premier est Kibitsu-jinja, et est l’un des plus grands de la région. Sa fondation remonte au 4e siècle mais le bâtiment principal (reconnu comme trésor national) a été reconstruit au 15e siècle.. Agrémenté de pruniers, de cerisiers, d’hortensias, de pivoines et d’un gingko biloba âgé de 600 ans, l’ensemble du sanctuaire est vaste et ses éléments architecturaux singuliers, comme le toit à double pignon de la salle de prière recouvert de plaques d’écorce de cyprès japonais, lui valent d’avoir donné son nom à un style à part entière. Le second est Kibitsuhiko-jinja, construit au 17è siècle à l’endroit même où le prince aurait vécu. Adossé à une montagne sacrée, le sanctuaire dégage une atmosphère solennelle, et est célèbre pour une autre raison : à chaque solstice d’été, le soleil levant apparaît dans la porte torii et se reflète dans un miroir sacré (voir également « Quand y aller »).
Les deux sanctuaires sont à 20 minutes de train depuis la gare d’Okayama, et distants l’un de l’autre d’un arrêt ou de 30 minutes de marche.
Chefs d’œuvre de l’architecture et de l’art du jardin japonais
La légende de Momotarō évoque un château noir : le château d’Okayama est lui-même noir, si noir en vérité qu’il est surnommé U- jō, le « château du corbeau ». Cette couleur qui lui donne un aspect saisissant lui vient des planches laquées noires qui recouvrent ses murs. Ses poissons-gargouilles agitant leur queue dans les airs rajoutent à son allure fantastique, que vous pourrez admirer gratuitement depuis le domaine ou de l’autre côté de la rivière. C’est à partir du château que la ville moderne s’est développée dès la fin du 16è siècle ; si, des bâtiments d’origine, il ne reste que la tour Tsukimi Yagura (tour pour regarder la une) datant de 1620, le château est littéralement flambant neuf : reconstruit à l’identique en 1966 après la guerre, il vient d’être rénové de fond en comble, et a rouvert au public en novembre dernier : un extérieur traditionnel et un intérieur moderne où se mêlent armures de samouraï et technologie interactive s’adressent autant aux enfants qu’aux férus d’histoire et de culture japonaises.
De l’autre côté de la rivière Asahi, face au château, s’étend une merveille due à Tsunamase Ikeda, deuxième seigneur du domaine d’Okayama. Peut-être avez-vous entendu parler des Nihon Sanmeien, c’est-à-dire des trois plus beaux jardins du Japon. Le jardin Korakuen d’Okayama est l’un des plus fabuleux. Pelouses, étangs, maisons de thé, édifices de la période Edo (parmi lesquels une scène nō) et même une petite plantation de thé ainsi que des rizières agrémentent les 14 hectares de ce jardin remarquable. Sa création débutée sur l’ordre du Daimyo Ikeda Tsunemasa et achevé en 1687 , il a ouvert au grand public en 1884 sous la direction de la préfecture d’Okayama; suite aux bombardements de la seconde guerre mondiale, il a été restauré en suivant les plans d’origine de l’époque Edo. Selon la saison, votre œil sera attiré et ravi par les pruniers et cerisiers en fleur au printemps, les lotus en été et les érables en automne.
A la sortie sud du jardin se tient le café-restaurant Hekisuien : un petit havre de paix doté d’une vaste terrasse avec vue sur la rivière, de quoi vous donner envie de louer un pédalo ou une barque – il y a un stand de location au bord de la rivière – afin d’évoluer sur les eaux calmes de la rivière Asahi et observer hérons, cormorans et autres oiseaux.
Au-delà des sushis, les fruits et le curry !
Rien d’étonnant à ce que Momotarō soit sorti d’une pêche : la préfecture d’Okayama est la plus ensoleillée du Japon, et avec son climat très méditerranéen, les fruits y poussent généreusement – et en particulier les pêches. Celles-ci rentrent dans la composition d’un dessert très populaire au Japon, et particulièrement réputé à Okayama puisque les délicieux fruits de saison de la région, dont la célèbre pêche blanche, rentrent dans sa composition : le « parfait ». Son nom est français, mais son interprétation est japonaise, la coupe de glace accueillant différentes couches alléchantes de crème glacée, de fruits, de crumble et d’autres ingrédients parfois surprenants. Vous pourrez déguster les plus délicieuses (et les plus photogéniques) au délicieux restaurant Perfetto, tenu par un chef pâtissier qui conçoit ses desserts comme des œuvres d’art à part entière, tour à tour raffinées, ludiques et équilibristes !
Un autre café, situé au troisième étage du grand magasin Takashimaya à Okayama (l’équivalent japonais des Galeries Lafayette) près de la gare, sert également des Parfaits aux fruits de saison d’Okayama : le Café Shiroshita. Ses cloisons de verre et ses grands rayonnages de livres lui donnent l’allure d’une bibliothèque, et vous pourrez y consulter de beaux livres en japonais ou en anglais tout en dégustant, selon la saison, un parfait aux bananes Mongee (une variété de banane endémique d’Okayama, plus sucrée et dont la peau est comestible !).
Le Parfait aux fruits d’Okayama est également au menu du restaurant Doppo-kan, et il y est généreusement plantureux ! Mais on vient surtout ici pour le saké de première qualité, produit par la brasserie Miyashita (propriétaire du restaurant) à partir d’une délicate variété de riz spécifiquement cultivé à Okayama pour devenir ce précieux nectar. La brasserie produit également de la bière artisanale, intégrant le même riz à saké et les incontournables fruits d’Okayama, à savourer seule ou en dégustant l’un des mets de brasserie proposés par le restaurant.
Mais il est temps de vous présenter un autre plat emblématique d’Okayama, lui aussi préparé avec les délicieuses pêches blanches de la région, transformées en chutney : le curry d’Okayama. Au chutney de pêche s’adjoint du lait de coco, des épices et du bouillon de légumes. Ce plat végétalien est relevé juste ce qu’il faut pour ravir les amateurs de curry et convaincre ceux qui ne sont pas habitués aux plats épicés. Vous pourrez en déguster un excellent au café Seed of life, spécialisé dans les plats végétaliens et végétariens – un type d’adresse encore assez rare au Japon, le pays des sushis ! – ce dont les plantes suspendues au plafond de la grande salle lumineuse annoncent la couleur !
Agenda
Plusieurs évènements importants jalonnent le calendrier d’Okayama :
- Okayama Art Summit : tous les 3 ans, le centre historique d’Okayama se transforme en gigantesque galerie d’exposition d’art contemporain international. Parmi la trentaine d’artistes ayant participé à l’édition 2022, on compte notamment le cinéaste récompensé d’une palme d’or à Cannes Apichatpong Weerasethakul.
- Hinode-sai : la « fête du lever du soleil » à chaque solstice d’été dans le sanctuaire shinto Kibitsuhiko-jinja.
- Saidai-ji Eyō : le 3è samedi de février, le temple de Kannon-in dans le quartier de Sadai-ji est le théâtre d’une tradition spectaculaire : 10 000 hommes vêtus de pagnes s’affrontent pour obtenir deux shingi (bâtons de bois sacrés) tandis qu’on leur verse dessus de l’eau glacée !
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